Arrivés à 10 h 45, nous rentrons dans le musée à son ouverture à 11 h, il n’y a pas de réelle attente pour l’exposition d’Amos Rex.
L’exposition est construite autour de la conférence du peintre René Magritte (1898-1967), « La Ligne de Vie », qu’il a donné à Anvers en 1938. Il y a révélé ses méthodes de travail et ses motivations artistiques, une expérience picturale qui vise à comprendre « l’énigme associée à l’homme ».
Alors inconnu du grand public, Magritte explique comment il rend l’objet quotidien inquiétant. Il développe également les idées présentées dans un texte illustré de 1929, intitulé « Les mots et les images », qui constitue une sorte de guide d’utilisation de sa peinture.
Il revient enfin au principe des « affinités électives », une nouvelle méthode d’exploration de la réalité consistant à réunir deux objets ou concepts liés, mais dont la rencontre produirait un impact visuel.
Les œuvres exposées à Amos Rex donnent une vue à multiples facettes de l’évolution du processus de son travail à différentes périodes. Malgré tout, Magritte a toujours refusé d’expliquer ses œuvres.
Œuvres abstraites et pré-surréalistes (-1925)
Les peintures de René Magritte vers 1920, à la fin de ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, montrent différentes influences esthétiques : néo-cubistes, futuristes ou abstraites.
Mais il s’ennuie de cette recherche et de ces théories esthétiques. Il n’hésite pas à détruire certaines peintures de cette époque ou à les réutiliser. Il se marie avec Georgette Berger, en juin 1922 après avoir terminé son service militaire, une « expérience éprouvante ».
Premières œuvres surréalistes (1926-1930)
En 1924, une photo d’un tableau du peintre italien Giorgio de Chirico, « Le Chant de l’amour » bouleverse Magritte. Il va alors s’efforcer de reproduire un « dépaysement » et un mystère. En s’éloignant par la suite du travail de Chirico, il va placer « l’idée au-dessus de la forme ».
Magritte fonde le groupe des surréalistes bruxellois avec E.L.T. Mesens, René Magritte, Louis Scutenaire, André Souris et Paul Nougé. Les critiques démolissent sa première exposition à la Galerie Le Centaure à Bruxelles en 1927 où il présente soixante tableaux.
Malgré ces critiques, Magritte attire l’attention d’un petit cercle de collectionneurs. Il décide de tenter sa chance à Paris en s’installant en banlieue à Perreux-sur-Marne avec Georgette et son frère.
Les Mots et les Images » (1927-1930)
À Perreux-sur-Marne, Magritte produira un quart de ses œuvres. Les célèbres « Mots et Images », notamment « La trahison des images » avec la célèbre inscription « Ceci n’est pas une pipe », datent de cette époque et sont considérées comme une contribution essentielle à l’art du XXe siècle.
Dans ces peintures, la différence entre la représentation d’un objet et le mot qui y fait référence donne lieu à un nouveau sens dans l’esprit du spectateur. Il publie son approche « Mots et images », en décembre 1929 dans le N°12 de la revue La Révolution surréaliste.
« Un objet n’est pas tellement attaché à son nom que l’on ne peut pas en trouver un autre qui convienne mieux », a déclaré le peintre, suggérant que « Un mot ne sert parfois qu’à se désigner ».
Affinités électives (1930-1940)
La crise économique de 1929 précipite le retour de Magritte à Bruxelles. Il est contraint de passer son temps aux « Travaux imbéciles » comme il les appelle, fondant l’agence de publicité Studio Dongo avec son frère Paul.
Dans un style plus soigné et une palette plus variée qu’à l’époque de Perreux-sur-Marne, Magritte cherche les affinités qui existent entre des objets familiers – oiseau et œuf, arbre et feuille, chaussure et pied, alors qu’avant, ce choc était causé en réunissant deux objets sans rapport.
Les titres de ses peintures sont donnés collectivement avec ses collègues surréalistes, chacun faisant de son mieux pour s’attaquer aux problèmes soulevés par les œuvres du peintre. Au cours de la même période, il commence à subvertir ou à créer des objets, tels que des bouteilles peintes et des sculptures en plâtre.
Période Renoir (1943-1947)
Pour compenser le climat sinistre de la seconde guerre mondiale et pour démontrer que les questions abordées dans sa peinture ne sont liées à aucun style en particulier, Magritte entreprend de changer radicalement sa manière de peindre.
Avec la palette de couleurs et la technique des impressionnistes il va créer les œuvres surréalistes de sa « période Renoir ». Par cette manière, il veut « conduire la poésie au soleil ». Magritte s’éloigne de cette technique « impressionniste » fin 1947.
« Il s’agit à proprement parler d’un défi : à partir d’images de joie, obtenir un effet troublant réservé jusqu’alors pour des images terribles et sombres et affirmer ainsi le droit de l’homme de donner au monde le sens qu’il souhaite. » (Louis Scutenaire, Avec Magritte, 1977).
Période Vache (1948)
En 1948, Magritte se lance dans la création d’une extraordinaire série de tableaux pleins de couleurs, inspirés du fauvisme. Comme il a souffert du manque de reconnaissance de son travail à Paris, lui et son ami Louis Scutenaire décident de se moquer des parisiens à sa première exposition personnelle, Galerie du Faubourg à Paris.
Les peintures de cette « période Vache » sont exécutées dans le but de choquer. S’inspirant de la littérature populaire et des bandes dessinées, Magritte crée entre mars et avril 1948, un ensemble d’images humoristiques, parfois vulgaires, dans un style complètement nouveau.
L’objectif est atteint. L’exposition est très mal reçue et les surréalistes français dirigé par André Breton la rejette en bloc. C’est un acte profondément libérateur pour Magritte.
L’art de la ressemblance (1948-1967)
De 1948 à 1967, René Magritte revient à son style pictural classique et poursuivi l’exploration de l’objet. Le but est toujours d’évoquer le « mystère du monde » en utilisant les objets les plus familiers.
Magritte développe le concept d’hypertrophie et introduit la pétrification d’objets. Au sein d’une même image, il réconcilie les contraires et les combine en harmonie, défiant parfois les lois de la gravité.
Les vingts dernières années de sa vie lui apportent un succès international. Bien que son travail n’ait commencé à être apprécié en Belgique qu’à partir du milieu des années 50, les États-Unis ont reconnu son talent à la fin des années 1940 grâce à Alexander Lolas, son nouveau revendeur.
Magritte triomphe en 1965 lorsque le prestigieux Museum of Modern Art de New York lui offre sa propre exposition solo. La collaboration avec Lolas durera jusqu’à sa mort, en 1967 et au-delà, avec la création d’une série de sculptures en bronze inspirées de ses peintures. Magritte n’a eu que le temps d’en effectuer les moulages et de signer les cires.
Une très belle exposition, avec des œuvres en provenance de nombreux musées et de collections privée. Et une surprise sympathique nous attend à la fin de l’exposition Magritte…
L’exposition Studio Drift vient d’ouvrir ce mercredi 6 mars. Elle est accessible jusqu’au 19 mai. A ne pas rater ! Cliquez pour voir l’article.
P.S. : Ce texte est un résumé libre de la documentation de l’exposition
Pour notre visite de l’expo mercredi dernier et le compte-rendu que tu en as fait: merci Daniel. Je n’ai qu’une hâte: y retourner, de préférence avec les enfants. J’espère que le mystère Magritte suscitera leur curiosité et qu’ils essaieront de percer les énigmes de ces curieuses compositions, de ces objets ordinaires qui deviennent insolites, de ces titres qui semblent parler de tout mais surtout pas de l’oeuvre qu’ils intitulent. Les rideaux, l’estrade, le chapeau melon, la pomme, la clé, la bougie… C’est un décor de théâtre. Magritte met en scène: mais que met-il donc en scène ?
Merci Daniel !